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Accueil de la bibliothèque > Dictionnaire pratique et historique de la musique par Michel Brennet (1926)

Dictionnaire pratique et historique de la musique
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MA ME MI MO MU MY
Motet
Nom masculin.
Plusieurs acceptions qui se sont peu à peu fondues en une seule, ont été données à ce terme depuis-le moyen âge. A l'époque des premiers essais de contrepoint (XIIe-XIIIe s.), le motet est une petite chanson (Motetus, Motellus, petit mot, petite pièce de poésie) en langue vulgaire et en un seul couplet, que les déchanteurs superposent à un « ténor » latin, emprunté au répertoire liturgique et principalement aux répons du graduel, et auquel ils associent une troisième et quelquefois une quatrième partie harmonique, également formée de quelque chanson vulgaire. La périodicité d'un rythme régulièrement ternaire marque les points d'appui des diverses parties et les coïncidences des consonances parfaites. Le motet, placé à la voix supérieure, donna bientôt son nom à la composition tout entière. Selon Jean de Grocheo (fin du XIIIe s.), le motet « est un chant à plusieurs voix avec paroles différentes pour chacune d'elles, produisant un ensemble harmonique ». Dans les manuscrits où sont conservés ces anciens monuments de la polyphonie, la partie de ténor ne porte généralement pas d'autres paroles que le premier mot de son texte, ce qui l'a fait considérer par certains musicologues comme instrumentale. Cette hypothèse n'expliquerait pas l'introduction du motet dans le service de l'église, d'où le pape Jean XXII essaya de le bannir, en y condamnant le mélange de « motets. vulgaires » (1322).

Au XIIIe s., le pseudo-Aristote, et plus tard Walter Odington (décédé en 1335) s'accordent pour affirmer que le motet est une composition avec paroles; Jean de Muris, au XIVe, dit, comme Jean deGrocheo, qu'il consiste en une composition avec paroles différentes aux différentes parties. Tinctoris (1475) le définit « un chant de médiocres dimensions, dont les paroles traitent de matières quelconques, mais généralement religieuses ». Il n'est plus question de mélange des textes ; la signification primitive du terme, la « petite chanson », est oubliée; et, en effet, les progrès de l'art du contrepoint vocal ont créé, sous ce titre légèrement dérangé de son sens, une forme spéciale de composition religieuse, embrassant toutes les variétés de pièces ne faisant pas partie de l'ordinaire de la messe, mais pouvant s'introduire, selon l'ordre de l'année liturgique, dans l'une ou l'autre partie de l'office. Telle était, dès la fin du XVe s., la richesse de ce répertoire, que l'imprimeur Petrucci pouvait réunir, dans ses premiers recueils, 186 motets à 3, 4 et 5 voix, dont les auteurs appartenaient, en grande majorité, à l'école gallo-belge, initiatrice de l'Europe aux splendeurs de la polyphonie vocale.

Le terme français de motet prévalait partout pour cette forme d'art. Un recueil de 1520 s'intitule : Liber selectarum Cantionum, quos vulgo muletas appellant. Les éditeurs dénomment leurs publications d'après des emblèmes gravés au frontispice : les Motetti de la Corona, del Fiore, del Fruto, de la Simia, sont des recueils célèbres, parus en Italie tout au début du XVIe s. Un style de motet s'y dévoile, qui se différencie du style de messe par des dimensions plus restreintes, des formes plus concises, plus claires et plus expressives, où se font plus rares les recherches, les « artifices » de contrepoint et de notation. Dans le développement de ce style, les historiens s'efforcent de dénombrer des périodes distinctes qui ne s'isolent point, d'ailleurs, des faits connexes et des vicissitudes générales de l'art.

Au début du XVIe s., avec Josquin Després (décédé en1521), le style de motet s'épanouit en une richesse magnifique d'invention et de formes; dans la seconde moitié du même siècle, avec Palestrina (décédé en 1594), il atteint l'apogée de sa perfection. Les préceptes que pose Cerone (1613) résument ses caractères principaux à cette époque. Il faut, dit-il, que les parties vocales se meuvent avec gravité et majesté et que les valeurs de longue et de courte durée se fassent équilibre, et il compte 8 manières de traiter un thème de plain-chant choisi pour servir de soutien à toute la composition. Mais cet article n'implique pas l'obligation de se baser sur un thème préexistant, et au contraire, le thème principal du motet est alors le plus souvent librement inventé par l'auteur, après quoi il est fréquent de rencontrer des messes disposées sur un thème emprunté à quelque motets fameux. Le nombre des voix est le plus souvent fixé à quatre, mais les œuvres, écrites à 6, à 8, à 12 voix, ne sont pas très rares. Les maîtres s'appliquent à servir les prescriptions de la liturgie, en composant des séries suivies de motets pour les périodes successives de l'année ou pour telle ou telle partie de l'office. Ainsi trouve-t-on dans l'œuvre de Palestrina des livres spéciaux d'offertoires, de répons, d'hymnes, traités en forme de motets. Nombreuses sont également, dans la seconde moitié du siècle, les collections de motets empruntés à différents maîtres, soit qu'ils, fussent puisés dans les recueils déjà existants, soit qu'ils fussent inédits. Le Thesaurus musicus publié à Nuremberg en 1564, sous l'inspiration sans doute d'Orlande de Lassus, est des plus précieux pour l'étude du répertoire des motets de cette époque et de tout l'art « a cappella ». Mais déjà, Lassus lui-même donne l'exemple de la transformation qui se produit alors dans le style du motet ; son Magnificat du 3e ton contient des duos de pure virtuosité qui posent déjà les principes de style de Gabrieli et de Monteverde.

Après l'adoption de la monodie et du chant accompagné, le style de musique religieuse y compris, celui du motets fut profondément modifié. On vit les compositeurs donner place à des effets de virtuosité vocale et à un genre d'expression rapproché de celui de la cantate profane et de la musique dramatique, et les chanteurs introduire dans l'ancien répertoire polyphonique une surcharge choquante d'ornements vocaux. En Italie, le motet donna naissance au dialogue et à l'oratorio. En France, pendant la première moitié du XVIIe s., il reste, selon la définition de Mersenne (1636), « une pleine musique figurée, enrichie de toutes les subtilités de cette science », et Auxcousteaux et Du Mont lui conservent sa « gravité ». Mais sous l'impulsion de Louis XIV et pour répondre à l'agrandissement des moyens employés dans la chapelle royale réorganisée (1683), Lulli, puis La Lande, inaugurent le « Grand motet » ou « Motet à grand chœur », qui équivaut, pour les proportions, à 1' « Antienne » des maîtres anglais, à la « Cantate d'église » des Allemands, et qui consiste en une succession variée de morceaux sur les versets d'un psaume ou d'un autre texte liturgique latin, traités, les uns à voix seule ou à 2 voix en solo, avec ou sans instruments concertants, les autres à 4 ou à 8 voix, avec orchestre et basse continue. Exécuté chaque jour, en remplacement des anciennes compositions de l'Ordinaire de la messe, pendant la « messe du roi », dans la chapelle royale, le « Grand motet » devint la pierre angulaire du répertoire au Concert Spirituel (1725). Après La Lande, dont les œuvres en ce genre remplissent 20 volumes, le « Grand motet » fut cultivé jusqu'à la fin de l'ancien régime par les maîtres de chapelle de la cour et ceux des églises principales, et la tradition en fut encore renouée sous l'Empire par Lesueur à la chapelle des Tuileries, mais tomba ensuite en désuétude.

En dehors du grand motet, et en même temps, les musiciens cultivaient le genre plus accessible du « Petit motet » à voix seule, ressource des églises modestes. Toutes les formes et jusqu'aux pires arrangements de pièces profanes ou de fragments d'œuvres instrumentales, se heurtent aujourd'hui dans l'innombrable répertoire du motet, malgré les défenses de l'autorité ecclésiastique, impuissante contre la foule des maîtres de chapelle de mauvais goût. Mais, comme pour la messe, et plus encore que pour celle-ci, le mouvement de rénovation de la musique religieuse commencé vers la fin du XIXe s., a amené la composition et la mise en usage de motets modernes dignes de la belle époque de cette forme d'art; parmi eux, ceux publiés en France par la Schola Cantorum tiennent la première place. On doit encore citer les dernières œuvres que Th. Dubois a écrites sous la même inspiration et qui marquent l'évolution profonde du genre dans son retour aux saines traditions du quatuor vocal a cappella. La liturgie catholique admet l'emploi complémentaire des motets dans la célébration de la messe, au moment de l'offertoire, de la communion, pendant l'exposition du Saint-Sacrement, les processions, les saluts, les cérémonies où aucun autre chant n'est prescrit. Dans l'usage habituel, le terme de motet a encore été étendu à des pièces de chant liturgique qui ne sont point en elles-mêmes des motets, mais que l'on exécute ad libitum dans les mêmes circonstances que ceux-ci; on dit par exemple, en employant cette impropriété de termes : « les motets grégoriens du salut ».


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