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Accueil de la bibliothèque > Dictionnaire pratique et historique de la musique par Michel Brennet (1926)

Dictionnaire pratique et historique de la musique
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EC EF EG EI EL EM EN EO EP EQ ER ES ET EU EV EX
Exécution
Nom féminin.
Action de réaliser à l'oreille l'œuvre musicale fixée par la notation. La fidélité et la qualité de l'exécution sont d'une importance extrême pour la compréhension de l'œuvre d'art. Peu de musiciens sont en état d'effectuer l'opération mentale qui consiste à entendre intérieurement un morceau de musique en le lisant. Les plus habiles à cet exercice et les compositeurs eux-mêmes pour leurs propres ouvrages ne se rendent un compte exact de la forme, du mérite et de l'effet de la pièce, que par l'exécution personnelle ou l'audition de l'exécution d'autrui. A l'interprète est donc confié le pouvoir d'insuffler la vie aux sons. Il semble devenir le collaborateur du maître : mais son rôle véritable est de s'en faire le serviteur, et, à l'intelligence qui pénètre la pensée et les intentions du compositeur, à la possession de la technique vocale ou instrumentale nécessaire pour en surmonter les difficultés matérielles, il doit joindre la vertu moins brillante, quoique non moins méritoire, de l'abnégation et de l'oubli de soi-même.

Dans l'histoire de la musique, un style d'exécution approprié correspond à chaque transformation successive, à chaque émanation nationale ou personnelle du style de composition. L'exécution de la musique des diverses époques exige donc une étude attentive, non seulement des partitions que l'on se propose d'interpréter, mais des formes mélodiques et harmoniques et, autant qu'on peut les connaître, des procédés spéciaux aux instruments ou à l'état des instruments dans le temps auquel ces partitions appartiennent. La tâche est rendue difficile par l'absence relative ou totale, dans les éditions primitives, des signes de mouvement, de nuances, de doigté, que les auteurs modernes indiquent souvent avec un grand luxe de recommandations et de détails. En demandant à leurs interprètes une habileté d'exécution de plus en plus grande, ils ont réduit la liberté qui leur était autrefois laissée et de laquelle étaient nés les plus étranges abus. Les instrumentistes aussi bien que les chanteurs se livraient, dans l'exécution, depuis une époque que l'on peut certainement faire remonter à celle même des origines de l'art harmonique, à un étalage de virtuosité, sous lequel disparaissaient les contours de l'œuvre qu'ils faisaient entendre. Dès le début du XVIe s., l'ornementation improvisée ou écrite de la mélodie se poursuivait quelquefois d'un bout a l'autre et dans toutes les parties simultanées d'une pièce polyphonique. Les habitudes de l'exécution toléraient également la distribution des parties entre des agents sonores différents de ceux pour lesquels elles avaient été écrites. On ne doit pas de nos jours, pour l'exécution des œuvres anciennes, s'appuyer sur ces pratiques, contre lesquelles protestaient à l'occasion des maîtres qui s'en trouvaient lésés. Au XVIIe s., comme si un compromis avait été conclu entre les compositeurs et les virtuoses, on commença de codifier les règles de l'exécution, de dresser des « tables » pour l'explication des signes d'ornement que les auteurs eux-mêmes traçaient sur leurs notations, et d'adopter un vocabulaire italien pour prescrire les nuances de mouvements, d'intensité et d'expression. Le Dictionnaire de musique de Brossard (1703) ne se propose pour but que l'explication des termes de ce vocabulaire, alors en passe de devenir international. Dans le XVIIIe s., c'est dans l'exécution vocale que se réfugient principalement les traditions d'indépendance à l'égard du texte musical et de vaniteuse gloriole des virtuoses, Il ne faut rien moins, pour les refréner, que l'autorité volontaire d'un Gluck. « Il suffit, dit-il, de la plus légère altération dans un mouvement ou dans l'expression, il suffit d'un détail hors de sa place, pour que l'effet d'une scène entière soit détruit et que l'air J'ai perdu mon Eurydice devienne un air de marionnettes. » L'obéissance absolue de l'exécutant aux intentions du compositeur devient obligatoire,.et, tout en laissant place aux nuances personnelles d'interprétation, proscrit, du moins en principe, toute altération de la pensée musicale. Sans doute, on verra encore, au XIXe s., Ferdinand Hiller varier la reprise du premier morceau dans l'exécution d'un quatuor de Haydn, et la Malibran, à la fin d'un acte d'opéra, recommencer neuf fois, de neuf manières différentes, l'exécution d'un passage réclamé par un public en délire. Ce seront là prouesses de plus en plus rares et que compenseront les efforts d'autres artistes vers la possession de la vérité. C'est par la clarté et la sincérité de l'exécution que l'orchestre du Conservatoire de Paris, il ne faut jamais l'oublier, fit comprendre à R. Wagner le sens, jusque-là pour lui impénétrable, de la 9e Symphonie de Beethoven. C'est, dans une sphère plus modeste, par les mêmes qualités que quatre musiciens français, Maurin, Chevillard, Mas et Sabatier, réunis dans une ferveur commune pour l'exécution des derniers quatuors de Beethoven, firent les premiers reconnaître en ces œuvres, longtemps réputées injouables et obscures, les plus extraordinaires chefs-d'œuvre de la musique de chambre.

Les principaux moyens de l'exécution sont le mécanisme, les nuances, le phrasé, l'expression; son but est le service de l'art. « La première règle de l'exécution, a dit Wagner, doit être de traduire avec une fidélité scrupuleuse les intentions des compositeurs, afin de transmettre aux sens de l'auditeur l'inspiration de la pensée sans altération ni déchet. Le plus grand mérite du virtuose consiste donc à se pénétrer parfaitement de l'idée du morceau qu'il exécute et à n'y introduire aucune modification de son cru. » C'est afin d'éviter son ingérence que les compositeurs modernes apportent dans leur notation une précision de plus en plus méticuleuse. Sauf pour, le trille et quelquefois pour le gruppetto, ils ne se servent plus des signes abréviatifs pour les ornements mélodiques, qu'ils écrivent en toutes lettres, c'est-à-dire en toutes notes; ils fixent le mouvement de chaque morceau et de chaque épisode d'un morceau par les chiffres métronomiques; ils indiquent par le groupement des figures de notes, par la disposition des signes de liaison, par la situation des valeurs, de notes et de silences, tout ce qui concerne le phrasé, qui est la ponctuation du discours musical; par les soufflets, les crochets, les lettres abréviatives du piano, du forte et de leurs différents degrés, les nuances d'intensité; par les virgules, la respiration des chanteurs ou des exécutants sur les instruments à vent; par des accents, des points, des traits horizontaux, des signes particuliers à chaque instrument, les effets de sonorité, les nuances du toucher, le tiré ou le poussé de l'archet, l'usage des sons bouchés, des sons harmoniques ; par des chiffres, le doigté; par des légendes, des recommandations, des indications en langue italienne ou dans l'idiome national de l'auteur, le sens général, sentimental, expressif, ou descriptif, du passage ou du morceau : et tout cela, qui règle dans le plus menu détail les conditions de l'exécution, n'en garantit cependant pas l'excellence, si le virtuose n'ajoute pas à la vertu d'obéissance celles qu'il puise dans son intelligence et sa sensibilité.


Voir aussi: Doigté, Expression, Mouvement, Nuances, Ornements, Phrasé, Signes

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