Dictionnaire de Métronimo | |
Dictionnaire pratique et historique de la musique | |
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Sur les limites du XVIe et du XVIIe s. apparut une distinction assez vague entre les mots Canzone et Sonate. Les Sonates d'André Gabrieli (1586) semblent perdues. Celles de son neveu Giovanni (1597 et 1615), de style plus libre que le ricercar, ressemblent absolument à ses Canzone. D'ailleurs, Praetorius (1619) assimile la sonate à la canzone. Ces sonates se composaient, comme les autres pièces instrumentales, à 3, 4, 5 parties, pour s'exécuter par des groupes d'instruments, ou par un seul musicien sur l'orgue ou l'épinette, etc. Les sonates écrites par Giov. Gabrieli sont, sous le rapport du nombre, de petites symphonies. Il a une sonate à 22 parties. La parité entre la canzone et la sonate s'explique par le fait qu'un certain nombre de canzoni, dans la 1re moitié du XVIIe s., ont des épisodes de mesures et de mouvements variés. On rencontre successivement, dans une seule canzone par exemple, un mouvement C, suivi d'un 3 ou d'un 6 /4, auquel succède un adagio, puis un allegro en C ou barré, le tout s'enchaînant. Il en est absolument de même dans la sonate à son premier âge : c'est un morceau assez étendu, où l'on observe la même variété de mouvements, qui seront appelés à être détachés les uns des autres, pour former des pièces ayant une individualité propre.
Même à l'âge où la sonate sera constituée de morceaux distincts, on continuera longtemps d'écrire des sonates d'un seul tenant, fidèles au plan primitif, ainsi encore chez des auteurs de sonates de violon au XVIIIe s., tel Vivaldi. C'est un Italien, Legrenzi, qui, en 1667, donna le premier l'exemple d'une sonate pour violon, partagée en trois morceaux, Sonata da camera. Les livres de Sonate da camera et Sonate da chiesa que Corelli (1653 11713) publia alternativement de 1685 à 1694, pour violon également, font clairement comprendre la séparation des deux genres. Les Sonates d'église sont de la musique pure annonçant la sonate moderne avec sa symétrie de formes; il n'y paraît pas de pièces de danse, du moins qui en portent les titres ou qui en révèlent nettement la coupe, mais on y trouve cependant des morceaux gais et aimables; elles comprennent généralement 4 morceaux qui sont une introduction lente et majestueuse, un allegro fugué solide, un morceau lent expressif, un allegro final de mouvement vif.
Les Sonates de chambre offrent le groupement des pièces à danser tel que l'ont rendu familier les Ordres, les Lessons, les Suites. Le 1er morceau est souvent un prélude solide, le 2e une allemande, le 3e une sarabande ou un morceau expressif et lent, le 4e une gigue ou une courante ou une gavotte, c'est-à-dire un morceau animé. Le traitement est plus simple dans les sonates de chambre. L'unité des morceaux est plutôt obtenue par la continuité du style que par le développement d'un thème. Cependant, se conformant à ce qui se faisait dans certaines suites, Vitali écrit dans ses trois morceaux d'après un thème unique (1644-1692). Tous les morceaux de la sonate de cette époque sont d'ailleurs écrits dans la même forme binaire que les pièces de la Suite. En 1692, Kuhnau, à la fin de son second volume de Suites, donne pour la première fois l'exemple d'une sonate pour clavier seul : devant le succès de son œuvre, il en écrit sept autres, quatre ans après. Ces Sonates de Kuhnau, qui devaient avoir une telle postérité, comprennent volontiers un prélude et fugue, un adagio, un allegro, une pièce da capo. Ce sera le plan employé par Bach dans ses six Sonates pour clavecin (et non pour orgue), à deux claviers et pédalier (vers 1725), mais où apparaît, pour la première fois peut-être, le plan ternaire des morceaux, quoique pas toujours avec netteté, ni avec un dessein arrêté, mais par la fantaisie spéciale du compositeur. Ces Sonates sont habituellement formées d'un allegro, un largo, un allegro ou presto. Là, peut-être d'après l'exemple donné ou indiqué par les Concertos de violon, créés en 1686 par Torelli, ou par ceux de Vivaldi (dans lesquels existe, par le jeu des réponses du tutti, un acheminement vers la réexposition), qu'il affectionnait, au point d'en faire des transcriptions pour l'orgue, J.-S. Bach emploie à plusieurs reprises, dans le mouvement vif, surtout dans sa Cinquième Sonate, une exposition (mais restant habituellement dans le ton principal), un compartiment central où tantôt le développement du thème exposé est nettement dessiné, tantôt au contraire apparaît un second thème modulant et c'est lui alors qui détermine le développement en le mêlant plus ou moins au précédent, enfin apparaît la réexposition. Dans le morceau lent, c'est plutôt la construction inspirée de la canzon francese ou de l'air da capo, mais avec la première partie concluant à la dominante, ce que des pédagogues allemands modernes ont nommé forme lied, sans aucune raison valable. Les Sonates de Bach en trio et celles pour viole de gambe procèdent du même esprit.. Dans tout ce groupe de sonates, on peut remarquer l'influence grandissante que prend, quand il y en a une, là seconde idée, modulante, qui n'apparaît d'ailleurs que dans la partie centrale. C'est l'acheminement vers la sonate à deux thèmes, qu'inaugura son fils Philippe-Emmanuel. Mais on peut le remarquer plus nettement dans quelques-uns des Préludes de Jean-Sébastien : nous citerons les nos 13 et 24 du IIe livre du Clavecin bien tempéré, et surtout le n° 11 (à un thème seulement), mais où l'exposition en deux tons, séparés par un conduit, et la réexposition concluante, sont nettement dans la forme que prendra la sonate. Voir aussi le Solo per il cembalo de son Petit livre de clavecin, déjà mouvement de sonate bithématique.
On cite ordinairement le 1er livre de François Du val, pour le violon, publié en 1704, comme le premier œuvre de sonates françaises. Les Sonates de Duval sont coupées ordinairement en 3 mouvements, mais qui ressortissent des formes de danse et en portent les titres. La 2e et la 5e suite du 1er livre et la 12e sonate du 2e livre (1707) sont intitulées Rossignol. On trouve des préludes, gigues, sarabandes, rondeaux, airs, etc. La forme sonate est constituée seulement par la division en trois pièces dont celle du milieu en mouvement lent (sarabande, ou air). Mais il existe des sonates françaises de violon plus anciennes restées en manuscrit, de Brossard, de Rebel, de Mlle de la Guerre. Bien que Duval ait devancé Rebel dans la publication de sonates à violon seul, puisque son œuvre I porte la date 1704, et les Pièces de Rebel, 1705, il existe des Sonates de J.-F. Rebel un manuscrit daté de 1695, signalé par L. de la Laurencie. Rebel n'a pas cherché à imiter les violonistes italiens qu'il connaissait. Il ne se conforme pas au plan à 4 compartiments instauré par Corelli. Il écrit des pièces de type assez libre, ornées dans la première version de titres galants ou mythologiques, la Flore, l'Apollon, etc. Plus de noms de danses : termes de mouvement, Gay, vif, etc. C'est ce que fera encore Rameau dans ses Pièces en Concerts. Cependant, jusque vers 1780, les sonates françaises d'instruments entremêleront presque toujours les morceaux de suite et les mouvements de sonate, et resteront même fidèles à un type ancien assez fréquent : un largo servant d'introduction à un mouvement vif, construction deux ou trois fois répétée, toujours en forme binaire.
Ph.-E. Bach va être le premier auteur qui adoptera résolument la forme,ternaire des morceaux de sonate, et, en même temps, l'exposition ,(et par conséquent la réexposition) à deux thèmes, jointe à cet emprunt fait à la forme suite, que l'exposition module toujours à la dominante dans le mode majeur, au relatif de préférence dans le mode mineur. Dans la réexposition, la seconde idée change donc de ton, pour clore le morceau dans le ton initial. Il y a là une innovation géniale : Ph.-E. Bach la complète encore en écrivant tout particulièrement pour le clavier seul, d'où l'écriture scolastique précédemment en usage pour l'équilibre des sonates va disparaître, et le style « galant » dominer. Soixante-dix Sonates pour clavier, composées ou publiées de 1740 à 1787, constituent son œuvre en ce sens. Elles sont presque toutes en trois morceaux, tantôt séparés, tantôt s'enchaînant. Ph.-E. Bach est donc l'inventeur véritable de la sonate bithématique et de coupe ternaire, qui deviendra rapidement la seule employée, et jusqu'à notre époque comprise. En même temps, principal initiateur de la sonate pour clavier seul, il prélude ainsi directement à l'éclosion des grands chefs-d'œuvre que la littérature de piano fournira jusques et y compris Beethoven. Haydn est en ce sens le successeur de Ph.-E. Bach, et aussi fécond que lui. Mais, aux formes de musique pure (allegro et adagio) de la sonate de J.-S. Bach et de son fils; il mêle par un reste de la Suite, des formes de danse, menuet ou rondeau, par quoi il termine volontiers l'œuvre. Il emploie aussi les procédés d'AIberti, compositeur, italien (vers 1750), et surtout la fameuse basse à laquelle ce dernier a attaché son nom.
Dès 1770, Haydn trouve un émule en Clémenti : celui-ci restera encore fidèle, pendant quelque temps, à la sonate à un seul thème, bien que de coupe ternaire. Ses premières Sonates sont souvent composées de deux mouvements seulement, mais on y reconnaît avec étonnement les idées, les caractéristiques qui annoncent Beethoven et un Beethoven parfois très avancé. C'est qu'un autre élément a influencé Clementi,comme il a influencé Mozart : le style mixte créé à Paris par des musiciens rhénans qui s'y étaient fixés, où entre pour une part importante l'ampleur introduite par Rameau dans ses grandes Suites, style que l'on remarque dans les Sonates parisiennes de Schobert (1764), chez Edelmann et surtout. Hullmandel (1777-1778) que Mozart imitera étroitement. A partir de 1781, Haydn, Clémenti, Mozart, ces deux derniers surtout, rivalisent dans la composition et le développement de la sonate, et amènent ainsi l'éclosion du génie beethovénien, dont la première manifestation est de 1795.
Alors que Clémenti et Mozart usent peu du menuet, Beethoven, dès sa première Sonate, l'adopte, mais sous une forme plus piquante, plus concertée, de plus en plus éloignée du caractère de la danse originale : il le dénomme scherzo, et va aller constamment le développant et, chose curieuse, augmentant progressivement sa vitesse. Ses premiers scherzi sont simplement marqués de la nuance d'exécution allegretto, ou tempo di minuetto; il adopte assez vite allegro (3e Sonate de piano) puis assai allegro (op. 14), allegro vivace (op. 28), assai vivace (Sonate à l'Archiduc). Dans sa VIIe Symphonie, le morceau qui tient la place du scherzo, et en emploie la forme, mais amplifiée, a pour indication presto, et l'énorme vitesse de 180 du métronome pour la mesure, s'il n'y a pas là une erreur. Dans la dernière partie de ses Sonates pour piano, à partir de l'op. 101 (1816), Beethoven se souvient des formes scolastiques et va sertir, en ses Sonates où le style galant et symphonique se reconnaît encore, des mouvements fugués et même des fugues entières. A dater de ce moment, — et le même processus peut être observé dans ses œuvres de musique de chambre, et de symphonie,— Beethoven cherchera à modifier, à agrandir, à transformer le plan des sonates jusqu'à en faire de vastes drames musicaux.
Il convient de remarquer que, dans toute sa carrière, il a souvent été précédé par le génie de Clémenti, dans les Sonates duquel on remarque, dès 1788 à 1790, l'emploi de thèmes, d'harmonies, la manière de les élaborer, que Beethoven n'appliquera que vingt ans plus tard : en particulier, à partir de l'op. 34 de Clémenti (réduction au piano d'une de ses Symphonies), les Caprices, op. 35, l'op. 40, etc.; beaucoup plus tard, le mouvement inverse se remarque et, dans les Sonates composées par Clémenti entre 1815 et 1820 (op. 47 et suiv.), il utilise les recherches beethovéniennes, dans une direction qui fait pressentir quelque peu Chopin, mais surtout l'écriture orchestrale que R. Wagner adoptera. L'étude et l'analyse de l'adagio de la Sonate, op. 50, n° 1, de Clémenti (vers 1820), et des divers morceaux de sonate compris dans le t: III de son Gradus ad Parnassum, sont particulièrement précieuses à ce sujet.
Les maîtres romantiques ont peu ajouté d'intéressant à la sonate, dont souvent, ils n'ont pas saisi le plan. C'est à peine si de Weber, de Schubert, et de Schumann on peut de chacun d'eux, signaler une ou deux sonates : ils en ont d'ailleurs peu écrit. Il faut arriver dans l'école française, vers 1860, pour voir se prolonger, tout d'abord, la sonate classique, avec les Sonates de Saint-Saëns pour violoncelle, op. 32, pour violon, op. 75 et 102; puis vient un véritable renouvellement, où il semble que la lignée de Beethoven soit renouée, avec César Franck, Grande pièce symphonique pour orgue (1861); Sonate pour piano et violon (1886); Prélude, Aria, et Finale pour piano (1887); Guilmant; avec ses diverses Sonates d'orgue; Gabriel Fauré, op. 13, pour violon (1878), et enfin une série de musiciens qui appartiennent presque tous a l'école de Franck : Lekeu, Sonate pour violon publiée en 1894, puis, à partir de 1900, celles de Paul Dukas, A. Magnard, Guy-Ropartz, V. d'Indy, J. Huré, L. Vierne, presque toutes pour piano et violon. On a donc assisté à la fin du XIXe s. et au début du XXe à une véritable rénovation du genre sonate, plus spécialement dans l'école française. Les écoles étrangères de cette époque se sont surtout traînées dans l'imitation des formes classiques, avec l'adjonction des éléments romantiques, sans qu'il y ait rien de particulièrement remarquable à signaler.
En résumé, ce qui constitue la forme de la sonate, c'est l'alternance de mouvements lents et vifs, dérivée d'une forme de la canzone. Habituellement, elle comprend trois morceaux, rarement deux, souvent quatre : la coupe de chacun a, de bonne heure, tendance à observer un plan ternaire : exposition, partie centrale ou développement, réexposition. A partir de Ph.-E. Bach, le plan ternaire devient obligatoire — ce qui distinguera désormais la sonate de la suite, — les morceaux sont habituellement composés sur deux thèmes, et la modulation à la dominante (ou au relatif majeur) s'impose à la double barre qui divise le morceau en indiquant la reprise.
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