Dictionnaire de Métronimo | |
Dictionnaire pratique et historique de la musique | |
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Dans le traité de saint Augustin, de Musica, inachevé, l'auteur n'a traité que du rythme, et sa classification des rythmes musicaux n'est autre que celle des rythmes du discours. La quantité et l'accentuation des mots latins règlent donc uniquement le rythme du chant liturgique. Le principe de l'égalité des notes dans le plain-chant se concilie avec l'observation de l'intensité, basée sur l'accentuation. L'élément rythmique s'exprime dans la notation neumatique d'une manière obscure qui a prêté à des interprétations contradictoires. Les signes de cette notation prennent des acceptions rythmiques qui paraissent variées parce qu'elles sont dans la dépendance de l'accentuation des paroles. Ce n'est qu'à une époque récente que la théorie du rythme musical a occupé les artistes et les savants. Mattheson, en 1738, en reconnaissait l'importance, mais la regardait comme une « science confuse ». On est venu à son étude par le chemin de la littérature et de la métrique des anciens, en appliquant au discours musical les procédés d'analyse usuels dans l'étude de la poésie grecque. L'ouvrage de l'Allemand Westphal sur la théorie de la rythmique musicale (1880) donna le branle. Après l'ouvrage de Westphal sont venus ceux de Mathis Lussy (1885), Combarieu (1897), H. Riemann, Poirée (1900). Des études spéciales ont été dirigées vers le rythme du chant grégorien, subordonné à celui de la langue latine et que la tyrannie de la mesure symétrique n'était pas venu détruire. (Voyez Chant grégorien.) Les diverses écoles musicales de toute époque et de toute civilisation ont ainsi donné lieu, de notre temps, à des études variées et à des publications spéciales, traitant chacun de ces points, et auxquelles on ne peut que renvoyer ici.
Rythme oratoire. On a appliqué depuis deux siècles environ ce terme à l'exécution du plain-chant liturgique, pour exprimer que le rythme doit suivre le mouvement du discours, avec la même liberté et des inflexions analogues.
Rythme libre; rythme mesuré. Ces deux expressions s'opposent l'une à l'autre. Mesuré exprime la régularité des casiers rythmiques exprimés par les mesures; libre indique le mélange des rythmes et des périodes. Ne pas confondre « mesuré » avec « métrique ». (Voy Mètre.)
Rythme métrique. Les musiciens français de la fin du XVIe s. qui composèrent sur les « vers mesurés » de Baïf et de ses contemporains prétendaient créer des rythmes musicaux analogues aux rythmes prosodiques des langues anciennes, transportés dans la poésie française. Or, une distinction capitale n'a pas été aperçue d'eux : les langues anciennes ont leur prosodie basée à la fois sur l' « accent tonique » et sur la « quantité » grammaticale ou conventionnelle de chaque syllabe, suivant qu'elle est longue, brève ou commune ; au contraire, sauf exception, les langues modernes n'avaient point cette quantité. Chez les anciens, l'accent était indépendant de la longueur ou de la brièveté des syllabes ; la prosodie était donc indépendante de la quantité. Dans les langues modernes, on a tendance, au contraire, à confondre l'une et l'autre, et à rendre longues les syllabes toniques. De plus, les humanistes ne se sont pas aperçus qu'en prétendant faire suivre à la musique la quantité rigoureuse des syllabes, ils outrépassaient les prescriptions des rythmiciens antiques : Denys d'Halicarnasse pour la langue grecque, comme saint Augustin pour la latine, donnent de frappants exemples de ce que le musicien antique ne s'asservissait nullement à la rigueur du rythme grammatical. Enfin « les savants de la Renaissance n'ont discerné que des pieds dans les vers antiques; ils n'ont pas su les organiser en mètres ». Ce travail fut « une tentative artificielle de remonter à la source de l'art occidental ». Ce sont des « pastiches postiches » où se rencontrent d' « aimables compositions » et qui produisirent, « si l'on oublie les intentions et les prétentions des auteurs, des résultats rythmiques intéressants, parce qu'imprévus » (Emmanuel). Au XVIIe s., on cite dans l'air Heureuse une âme indifférente du prologue de Phaéton, de Lulli{1683), un mélange curieux des mesures binaire et ternaire. Mais, si cette liberté du rythme, basée d'ailleurs sur une juste déclamation, se trouve encore chez Rameau, la tyrannie de la mesure et celle de la carrure s'implantent et persistent longtemps.
Les compositeurs ont, de tout temps, cherché dans les déformations rythmiques le moyen de varier leurs thèmes. (Voyez Suite, Variation.) Au XIXe s., ce procédé a été poussé à un degré très haut. Sans citer les modifications, que tout musicien connaît, des leitmotive de Wagner, voici deux exemples caractéristiques empruntés à l'école française.
Transformation du thème conducteur dans la Symphonie fantastique de Berlioz :
Il y a une déformation analogue dans Le Rouet d'Omphale de Saint-Saëns, où le motif d'Hercule gémissant dans les liens qu'il ne peut briser, exprimé par les altos, violoncelles, contrebasses, bassons et trombones en rythme égal binaire,
devient un six-huit moqueur (clarinette et hautbois), pour exprimer les railleries d'Omphale parée, de la peau du lion :
Au XXe s., les compositeurs, en cherchant à s'affranchir de la tyrannie de la « mesure », soit volontairement, soit d'instinct, reproduisent les diverses formes, rythmiques en usage aux différentes époques de l'histoire de l'art, ou en trouvent de nouvelles, dont la raison d'être et la justification ne se peuvent trouver qu'en rapport avec la définition générale donnée en tête de cet article.
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