Ornement mélodique qui a pour but d’insister sur une note essentielle en la faisant désirer par un retard ou une suspension, obtenus au moyen d’une note accessoire, supérieure ou inférieure, dont la durée se prend sur celle de la note principale. On trouve déjà l’indice de son emploi chez les théoriciens du moyen âge. Agricola (1532) lui reconnaît pour avantages de mieux lier le chant, combler un vide apparent dans le dessin mélodique, enrichir l’harmonie, rendre le chant plus animé et plus brillant. Bacilly (1668) en préconise l’usage pour lier deux notes en descendant et orner les syllabes longues, mais il préfère ne pas l’indiquer par écrit et laisser à cet égard toute liberté « à ceux qui auront connaissance des endroits propres à la pratiquer ». Tosi (1723) déclare que c’est en Allemagne que l’on a commencé à noter l’appoggiature, sans doute parce que les chanteurs la faisaient mal à propos; il en enseigne l’exécution comme un des premiers exercices de l’art du chant. Les signes indicateurs de l’appoggiature et leur traduction varient au XVIIIe s. Les musiciens français la figurent, sous le nom d’
accent, par une virgule retournée, sous le nom de
port de voix, par la lettre V; ou une barre inclinée, ou une croix. Bach se sert tantôt d’une petite note et tantôt d’une parenthèse tournée dans le sens où doit se faire l’appoggiature en montant ou en descendant. Emmanuel Bach, qui s’étend longuement sur ce sujet, donne des interprétations différentes du même cas :
Une autre forme d’appoggiature, au lieu de précéder la note, lui succède. Elle est appelée
Nachschlag par les Allemands, qui l’expriment par une sorte de demi-liaison :
Traduction :
Depuis la seconde moitié du XVIIIe s., les anciens signes ont été abandonnés et remplacés uniquement par la petite note dont un usage plus récent, mais presque universellement répandu, distingue la durée longue ou brève par un petit trait traversant, en ce dernier cas, la queue de la note, qui est dite alors « petite note barrée ». Mais il s’en faut de beaucoup que les éditions s’accordent à figurer correctement les petites notes, en sorte qu’elles donnent lieu à des interprétations contradictoires. C’est ainsi que dans le rondo « alla turca » de Mozart, surnommé
Marche turque, G. Pfeiffer voulait que l’appoggiature fût longue, parce que la petite note n’était pas barrée dans les éditions auxquelles il se fiait. En ce cas (exemple A), le groupe devrait s’exprimer en double croches égales (B), tandis que l’effet de « turquerie » voulu par Mozart exige au contraire l’appoggiature brève et le rythme saccadé qui en résulte (C) :
De même, Th. Gerold a établi que dans un passage du
Barbier de Séville, la petite note, qui dans certaines éditions n’est pas barré, doit être brève, car si Rossini l’avait voulue mesurée, il aurait noté le fragment en groupe de doubles croches, ainsi qu’il a fait à la mesure suivante :
Les compositeurs modernes notes presque toujours l’appoggiature en notes réelles.
On nomme
appoggiature forte celle qui est placée sur le temps fort ou la partie forte du temps,
appoggiature faible celle qui se présente dans le cas contraire,
appoggiature supérieure ou
inférieure, celles qui se placent à un demi-ton au dessus ou au dessous de la note principale. L’appoggiature peut se faire dans plusieurs parties à la fois de la composition harmonique, où elle est utilisée pour la préparation d’un accord dissonant, la liaison de deux intervalles, l’introduction de notes de passages étrangères à l’harmonie. Les théoriciens permettent tous les intervalles défendus, lorsqu’ils sont formés par deux notes dont la dernière est une appoggiature, et ils enseignent à pratiquer les changements d’accords sur la résolution de l’appoggiature, mais les compositeurs contemporains vont beaucoup plus loin et supprime la résolution.
On donne parfois le nom d’
appoggiature double à un morceau composé de deux petites notes qui précèdent la note principale en l’enveloppant :