Dictionnaire de Métronimo
Dictionnaire pratique et historique de la musique
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Opéra
Nom féminin italien, du nom neutre latin opus (pluriel opera) signifiant « œuvre ». En passant au français, ce mot est devenu masculin.

1. Pris en son sens original, s'indique en abrégé : op. et désigne une œuvre musicale par rapport à son auteur; l'abréviation op. est ordinairement suivie du numéro soit de publication, soit de composition de l'œuvre ainsi désignée. Ce genre de désignation n'est guère en usage que depuis la fin du XVIIe s., mais encore cent ans plus tard, les oeuvres de Haydn et de Mozart n'ont aucun numéro d'op.; celles de Clementi et de Beethoven sont au contraire soigneusement numérotées et, sauf exception (par exemple Beethoven pour l'op. 49, qui est plus ancienne d'environ vingt ans que les compositions avoir avoisinantes : elle date de 1795), suivent l'ordre chronologique.

2. Opéra; Opera-seria.

De même que les grandes divisions d'une pièce de théâtre portent le nom d' « acte », c'est-à-dire action par excellence, le théâtre réunissant à la fois drame, chant, danses, symphonie, décors et machinerie, a pris dès sa fondation le nom d'Opéra, c'est-à-dire d'oeuvre par excellence. Il est hors de propos de parler ici des origines lointaines de l'opéra : jeux et drames liturgiques du XIe s., miracles (XIIIe s.) et bientôt mystères ; entremets français ou intermedi italiens, dès le XVIe; tragédies coupées de musique au XVe et au XVIe, suivies ou accompagnées des intermèdes et de ballets-comiques, — c'est-à-dire associés à une comédie — où la pantomime accompagnée de musique était mêlée de chants (voir tous ces mots), voilà les éléments qui, fondus par les hommes de théâtre italiens vers la fin du XVIe siècle, donnèrent naissance à l'opéra, par l'intermédiaire de comédies de petites dimensions intégralement chantées ou déclamées, sur des récitatifs.

Le genre nouveau était déjà tellement en vogue en Italie à cette époque que, de 1571 à 1605, 53 pièces en musique furent jouées à Venise. C'était pour moitié des pastorales; les autres, des allégories. La musique en est perdue; et les noms des musiciens ne sont pas tous connus: Il paraît prouvé que Emilio de Cavalieri fut le principal créateur de l'opéra, comme musicien, avec Laura Guidiccioni, femme poète, comme librettiste. La musique de ses opéras : Il satiro (1590), la Disperazione di Fileno (1591), Il fiusco délia Cieca (1595) est perdue, sauf un air de basse avec deux flûtes. « C'était, dit un contemporain, une sorte de musique renouvelée de l'antique par Cavalieri et qui excitait la joie, la pitié, le rire ou les pleurs » Cavalieri se retira dans sa vieillesse à Rome et composa son Oratorio dell'anima e corpo représenté en 1600. Les madrigaux dramatiques d'Orazio Vecchi eurent aussi une grande influence sur la création du genre opéra., dans son acception comique ou bouffonne (voir plus loin).

A Florence, le poète Rinuccini, inspirant les musiciens Péri, Caccini, Monteverdi, Marco da Gagliano, exerça l'action la plus efficace sur la création du théâtre chanté, que Andreini fit connaître aux Français, dès 1613, avec Adamo, dédié à la reine de France, la Centaura et la Ferinda, mais qui n'étaient guère que de petites comédies. L'Orfeo, de Monteverdi, avait cependant précédé ces œuvres, puisqu'il fut représenté en 1607 à la cour de Mantoue, sous le titre de : favola in musica. Cette œuvre contient tous les éléments de ce qu'on nommera l'Opera-seria ou Opéra « sérieux »; rien n'y manque : toccata d'ouverture; prologue; sujet tragique ou dramatique; actes entièrement chantés, accompagnés d'orchestre, chacun de caractère différent, avec soli, récitatifs et airs, ensembles et chœurs, musique mélodramatique, scènes dansées. L'Orfeo de Monteverdi marque une date, et son sujet même devait être combien de fois exploité! A la fin de sa carrière, le même maître donnait L'Incoronazione di Poppea (Le couronnement de Poppée, 1642), qui caractérise les progrès non de forme, mais de souplesse dans l'action et dans l'écriture réalisés depuis près d'un demi-siècle. C'est peu après, après l'autre Orfeo, de Luigi Rossi, que la France devait connaître (1647) dans tout son développement, le genre nouveau, grâce à la ténacité de Mazarin, qui tenait à acclimater chez nous l'opéra italien, bien plus important que les comédies chantées ou les pastorales déjà connues, seuls spécimens du théâtre chanté alors introduits en notre pays. L'opéra italien allait susciter des critiques et des émulations dont, en peu d'années, l'opéra français (voir ci-après) devait sortir, plus fidèle pendant longtemps aux modèles apportés de la péninsule que les compositions futures qui y connaîtraient le succès. En aucun autre genre, en effet, les formes ne se sont transformées aussi souvent et aussi radicalement que dans l'opéra italien. Du nombre incroyable d'opera-seria représentés en Europe pendant cent cinquante ans, depuis le milieu du XVIIe s. jusqu'à la fin du XVIIIe, pas un seul ne pourrait reparaître aujourd'hui au théâtre, sinon à titre de curiosité historique, comme cela a eu lieu pour L'Incoronazione di Poppea. L'opera-seria italien néanmoins, constituait un genre, que les compositeurs étrangers étaient tenus de suivre pour obtenir la faveur du public : sauf exception, on ne considérait guère l'opéra, sauf en France, qu'uni à la langue italienne. L'opéra italien fit la renommée de Haendel, et c'est avec le même genre que Gluck et Mozart gagnèrent leurs premières victoires, tandis que, peu à peu, sous les exigences des virtuoses et l'extrême liberté qu'ils prenaient avec les œuvres, sous la poussée de l'opera-buffa (voir plus loin), l'opera-seria italien tombait dans l'exagération et le discrédit, malgré la valeur d'un Piccini, longtemps rival de Gluck. Au début du XIXe s., en dépit des louables essais d'un Spontini, et même d'un Rossini, — mais ce dernier ne croyait plus à la valeur de l'œuvre, — l'opéra italien ne vivait plus que par l'accoutumance. Plus tard, il reparaît encore sous la plume de Verdi (1813-1901), mais si celui-ci, dans la Traviata (1853), reste toujours fidèle aux formes les plus choisies de l'opéra. italien, il est bientôt influencé par l'œuvre de Richard Wagner, le véritable créateur du « drame musical », et c'est à ce genre désormais qu'il faut rattacher l'œuvre du dernier grand maître du théâtre italien chanté. Après lui, Boïto, dans son Mefistofele (1875), se rattache résolument au genre nouveau, qui devient absolument international.

En France, l'introduction de l'opéra italien par les soins de Mazarin suscita des imitations, dont la Pastorale de Perrin, représentée à Issy en 1659, la « première comédie française en musique », dit le titre, marque le début : la musique en est malheureusement perdue. Une Ariane du même compositeur (également perdue) devait suivre la représentation précédente. Ce fut Perrin qui suggéra à Colbert l'idée d'établir une « Académie de Poésie et de Musique » et, en 1669, avec son confrère Cambert, il recevait un privilège pour fonder « des Académies d'Opéra ou Représentations en Musique en vers français ». Ce fut la fondation de l'opéra français et, en même temps, du théâtre qui porte le même nom et prolonge jusqu'à notre temps le titre d' « Académie de Musique » que Colbert avait agréé. Pomone, pastorale de Cambert, fut représentée pour l'inauguration du nouveau théâtre, en 1671; la Pastorale héroïque des Peines et des Plaisirs de l'Amour, en 1672. De son côté, Lulli, qui cultivait un genre analogue, avait donné, en 1671, la « tragédie-ballet » de Psyché, sur les paroles de Molière, et qui est déjà, a dit un excellent critique (L. de La Laurencie) « un opéra sans récitatif ». Bientôt, succédant à Perrin et Cambert dans la direction du théâtre, Lulli entre directement dans la voie de la tragédie lyrique, et marque le point de départ définitif du genre avec Cadmus et Hermione, « tragédie en musique » (1673).

Lulli n'a pas créé tout de suite et en une fois la forme d'opéra dans laquelle il s'est finalement figé et personnifié. On constate une série de tâtonnements dans ses premiers ouvrages et une progression vers un moule arrêté. Cadmus et Hermione contient des morceaux « du plus grand Lulli », comme les adieux de Cadmus à Hermione, des airs comiques, des airs dansés, et une grande scène de temple, qui est un des premiers modèles de ce genre pompeux, tant et si longtemps apprécié du public français. Dans Alceste (1674) et Thésée (1675), un mélange de tragique et de comique produit une impression choquante. Avec Atys (1677), Lulli se dirige décidément vers « la tragédie de salon ou de cour, psychologique, galante et oratoire. » (R. Rolland). Ce furent là les modèles de l'opéra français, et Rameau, en les rénovant, un demi-siècle plus tard, ne s'écartait guère du type donné par Lulli; les chefs-d'œuvre de Rameau, qui, de nos jours encore, reprennent vie à la scène : Hippolyte et Aricie (1733), Castor et Pollux (1737), Dardanus (1739), marquent les modèles du genre où les intermèdes dansés et les entrées de ballets y occupent une place considérable. C'est avec les œuvres de Gluck, déjà assoupli dans la composition d'opéras italiens et d'opéras-comiques, que l'opéra français abjure à peu près complètement ce qu'il contenait encore de l'ancienne pastorale et du ballet comique, et donne une part plus grande à la déclamation expressive, introduite dans l'air . Les admirables airs d'Alceste, au 1er acte, sont des sommets d'émotion tragique où les compositeurs se sont rarement élevés. Cependant, les œuvres de Gluck, si elles restreignent la part de la danse, sont toujours fidèles à la chaconne finale, où prennent part tous les personnages.

Malgré le nom d'opéra donné aux théâtres ou aux représentations de ce genre, les pièces elles-mêmes ne portaient pas encore ce titre. Piganiol de la Force, dans sa Description historique de la Ville de Paris (1718), parlant de la grande salle de représentations du Palais-Royal, qui contenait trois mille places (celle des Tuileries en contenant « aisément » sept à huit mille), dit qu'elle sert, depuis 1673 « sans discontinuation, aux représentations des Opera (sic) ; c'est le nom qu'on a donné aux Poèmes Dramatiques mis en musique, et accompagnés de symphonies, de danses et de machines ». Nous ne connaissons pas d'opéra français du titre de Poème dramatique mis en musique, qui n'est sans doute mis là que comme explication. Le premier opéra de Lulli, Cadmus et Hermione, représenté en 1673, est le premier qui porta le titre de « tragédie en musique » ou « tragédie lyrique », encore donné en 1779 à Iphigénie en Tauride, de Gluck, aux Danaïdes, de Salieri, en 1784. Orphée et Eurydice, de Gluck (1774), est dit «drame héroïque »; l'Alceste du même (1776), « tragédie-opéra. ». Vers 1780, le .titre Opéra commença à régner, et s'établit presque uniquement depuis la fin du XVIIIe s. Cependant la Vestale, de Spontini (1807), est encore nommée « tragédie lyrique ».

C'est Fernand Cortez, de Spontini (1808), qui offre « le véritable germe du grand opéra moderne », dit Lajarte. La forme du « grand opéra », qui remplit la plus importante partie du XIXe siècle, portée à son point culminant par Meyerbeer, — Robert-le-Diable est de 1831, — subsista encore, d'une façon générale et sauf certaines concessions aux idées plus modernes, dans les principales œuvres de Berlioz (Les Troyens, 1860); de Gounod (Faust, 1859; Mireille, 1864; Roméo et Juliette, 1867); de Saint-Saëns, (Samson et Dalila, 1868-1877; Etienne Marcel, 1879; Henry VIII, 1883; Ascanio, 1890); de Massenet (Le Roi de Lahore, 1877; Le Cid, 1885 ; Le Mage, 1891, etc.) ; de Reyer (Sigurd, 1866-1873; Salammbô, 1890); de Paladilhe (Patrie, 1886). Elle se. résume, du point de vue critique, en quelques mots : « Une intrigue romanesque, des coups de théâtre, des décors et des costumes, un livret incolore, des airs, des duos, des ensembles et des ballets » (Laloy). Déjà, les musiciens, français et italiens, subissaient cependant l'influence grandissante de Richard Wagner, et la forme de leurs « drames musicaux » allait s'en ressentir : le vieil opéra avait terminé sa carrière.

Les commencements de l'opéra allemand se confondent avec ceux de l'oratorio. La comédie latine anonyme Philothea, jouée à Munich en 1643, est un spectacle pieux mêlé de musique. Le 1er opéra allemand représenté sur un théâtre, pour l'inauguration du théâtre de Hambourg (1678), avec musique de Theile, roule sur l'histoire de « L'homme créé, déchu et jugé » et a pour acteurs Adam, Eve, Lucifer, le Serpent, la Justice, le Sauveur et Dieu lui-même. Parmi les opéras joués ensuite sur le même théâtre, parurent plusieurs ouvrages sur des sujets religieux ou bibliques : La Nativité (1681), Caïn et Abel (1689), de Fortsch; Salomon (1703), Nabuchodonosor (1704), de Keiser. Il faut venir, on le sait, jusqu'à Mozart pour trouver le premier essai d'un « opéra allemand » ainsi qu'il l'exprime dans une lettre de 1778. Encore, malgré son dessein, et son désir, Die Entführung aus dem Serail (L'enlèvement au Sérail), n'a-t-il d'autre titre que Komisches Singspiel, ce qui l'apparente en 1782, à son Bastien und Bastienne (1768), qui malgré le titre Deutsche Operette, n'était qu'une imitation de l'opéra-comique français. C'est La Flûte enchantée (Die Zauberflote) qui, en 1790, porte pour la première fois le titre de Deutsche oper, et encore, malgré le titre, cette œuvre, qui a pour but de créer un genre d'opéra foncièrement allemand, n'emprunte-t-elle à l'opéra que la suite ou l'enchaînement des discours musicaux, ayant plutôt, par son livret, le caractère de 1' « opérette ». Weber, sur le terrain de l'opéra allemand, se montre le novateur. Dès 1798, il s'y essaye, en des compositions maintenant perdues, laisse bientôt inachevé Rubezahl, un véritable opéra, cette fois, dont les parties composées ont été refondues en diverses œuvres et donne plus tard enfin, presque de suite, le Freischütz (1820), Euryanthe (1823), Oberon (1825-1826), d'où sortiront presque directement Le Songe d'une nuit d'été, de Mendelssohn (1843), et le théâtre de Wagner, qui; s'il visa plus tard à constituer un art nouveau ou plus foncièrement allemand, fut d'abord fidèle aux formes et aux coupes de ses modèles, dès ses essais de 1830 à 1840, et surtout dans ses grandes premières compositions, Der fliegende Holländer (Le Hollandais volant, plus connu sous le nom de Vaisseau-fantôme, 1840-1841); Tannhäuser, terminé en 1845; Lohengrin, en 1847; tandis qu'il esquisse déjà les grandes œuvres qui constitueront sa manière définitive et dont les ébauches se placent entre 1845 et 1857.

Les Nibelungen, dans leurs quatre parties, furent terminées : le Rheingold (l'Or du Rhin), en 1854; Die Walküre (La Valkyrie), en 1856; Siegfried, 1869; Gotterdämmerung (Le Crépuscule des Dieux), 1874. Tristan und Isolde fut achevé en 1859 ; Die Meistersinger (Les Mattres-Chanteurs), l867; Parsifal enfin, testament suprême du maître, 1882.

En même temps et comme conséquence des idées qu'il avait exprimées dans son ouvrage Opern und Dramma (T. IV de ses Écrits), alors que Lohengrin offre encore le titre d'opéra romantique, L'Anneau des Nibelungen est un Bühnenfestspiel en « trois journées et une soirée de veilles »; l' « acte » est désormais la « division » (Aufzug). Tristan porte le titre de Handlung ou « action »; les deux dernières œuvres sont absolument des « drames en musique » Ton-Drama. L'action lyrique, scénique, musicale est continue d'un bout à l'autre de chaque division de l'œuvre.

Désormais, tout lien est brisé avec le vieil opéra; les compositeurs cherchent d'autres dénominations pour leurs ouvrages de théâtre, et essayent toutes sortes de vocables pour ne pas employer le mot opéra, qui ne répond plus au plan de l'œuvre. En France, Fervaal, de d'Indy(1895), est appelé « action musicale ». Le juif polonais, d'Erlanger (1900), au titre de la partition de piano, porte « drame musical » et, à l'argument, « conte lyrique ». Louise, de Charpentier (1900), « roman musical »; Pelléas et Mélisande, de Debussy (1902), « drame lyrique »; Ariane et Barbe-Bleue, de Paul Dukas (1906), « conte musical ». Le drame musical moderne trouve sa forme la plus développée dans la Légende de saint Christophe, de d'Indy (1914 - La Légende de saint Christophe a été représentée à l'Opéra de Paris au cours de l'année 1920.) au titre de « drame sacré en trois parties »; tous les éléments de musique et d'action scénique employés dans tous les genres y sont condensés en une vaste synthèse où l'art religieux et l'oratorio, la composition symphonique et dramatique, s'unissent en un ensemble que Parsifal laissait déjà pressentir, mais qui est ici dépassé dans des proportions absolument extraordinaires.

Le nombre des opéras composés jusqu'à nos jours atteint un total effrayant. En 1911, un auteur anglais, John Towers, ayant publié le prospectus d'un Dictionnaire devant contenir les titres de 28015 opéras et opérettes, un Allemand, G. Stieger, s'empressa de démontrer que les omissions y seraient dans la proportion de 70 p. 100, en arrêtant les corrections et additions à l'année 1905. Dans l'étendue comprise entre les articles Aaron et Achille, l'Allemand trouvait à ajouter 114 œuvres aux 165 citées par le Dictionnaire.

Opéra-ballet.

Le Triomphe de la paix, de Lulli (1685), est le premier du répertoire de l'opéra qui porte ce titre. Après la mort de Lulli, cette forme de spectacle devint plus fréquente. On remarque dans le nombre : L'Europe galante, de Campra (1697), les Festes grecques et romaines, de Colin et Blamont (1723), Les Éléments, de Destouches et Lalande (1725). Le titre de « comédie-ballet » est donné aux opéras Le Carnaval et la folie, de Destouches (1704), la Vénitienne, de La Barre (1705). Le titre de « ballet héroïque » est donné aux Indes galantes, de Rameau (1735), et à plusieurs ouvrages suivants à L'Union de l'amour et des arts, de Floquet (1773).

Platée, de Rameau (1749), est intitulé « ballet bouffon ». C'est un opéra-ballet avec des scènes bouffonnes et des effets de musique descriptive et imitative.

Opera-buffa.

Ainsi que pour l'opera-seria, les premiers modèles de l'opera-buffa viennent d'Italie. On regarde comme le plus ancien essai d'opéra-comique italien l'Amfiparnasso d'Orazio Vecchi (1594), intitulé Commedia armonica, où le style bouffe apparaît dans les formes polyphoniques de l'époque, sans chant solo. Des scènes chantées bouffonnes se rencontrent dans les ouvrages dramatiques italiens dès la fin du XVIe s. et dans presque toute la durée du XVIIe s.

Mais c'est dans les intermèdes-bouffes de la comédie et de l'opéra italiens que réside la vraie origine de l'opéra-comique. Dans l'opéra d'Al. Scarlatti, II prigioniero fortunato (1699), « opéra semi-seria », il y a deux rôles comiques qualifiés de buffo, dont les parties contiennent des morceaux de style musical absolument comique. Le Trionfo dell'Onore, du même auteur (1718), est le plus ancien opera-buffa napolitain dont la musique ait été conservée. Le chant populaire joue un grand rôle dans les premiers opéras-bouffes napolitains, comme dans les opéras-comiques français en vaudeville (voir plus loin), comme dans le Beggar's Opera de Gay et Pepusch (1728), satire anglaise contre les opéras italiens de Haendel. Le prédécesseur immédiat de Pergolèse, Leonardo Vinci, fut l'auteur de plusieurs opéras-bouffes en dialecte napolitain, Le Zite 'ngalera (1721), Le Cecato fauzo, Le doje lettere (1719), etc. Mais c'est La Serva padrona, de Pergolèse, avec le titre d' « intermède à deux personnages » qui fixe le genre définitif de l'opera-buffa (1729); jouée pour la première fois à Naples le 28 août 1733, sa représentation à Paris en 1746 fit connaître en France ce nouveau genre de composition qui dans l'intervalle s'était enrichi en Italie de plusieurs ouvrages. Dans le répertoire moins ancien que l'opera-seria, mais très nombreux aussi, de l'opera-buffa ou comique, le contraste entre les formes anciennes et l'opéra-comique ou l'opérette est moins violent; cependant le nombre des œuvres italiennes anciennes resté célèbre ou seulement tolérable est bien petit. On s'étonne de n'avoir pu rien sauver de la production comique ou légère de Al. Scarlatti, de Galuppi, Logroscino, Léo, Traetta, Piccini et pas même de Cimarosa et Cherubini. Tout cela ne fournit plus qu'un champ d'études à l'historien, et une mine peu fréquentée de morceaux choisis aux chanteurs. Cependant, la Cecchina de Piccini (1760), ouvre une nouvelle ère dans l'opera-buffa, dont Mozart, avec les Nozze di Figaro (1786), Cosi fan tutte (1790) et, — qui le penserait, si le titre n'y était, — Don Giovanni (1787), va égaler l'opera-buffa à l'opera-seria. C'est au même genre se rapprochant ainsi de plus en plus de la « comédie musicale », que se rattache, au XIXe s., Il Barbiere di Seviglia de Rossini (1830) et, tout à la fin de cette ultime transformation, le Falstaff de Verdi où l'opera-buffa a rejoint définitivement le « drame musical » dont Les Maîtres-Chanteurs de Richard Wagner avaient fourni un admirable modèle : mais Falstaff sent l'effort.

Opéra-comique.

Ce fut, en France, sous l'imitation directe et l'inspiration de l'Opera-buffa à son époque primitive que se forma l'opéra-comique. Mais, comme l' « Académie de musique » avait le privilège exclusif de représenter des opéras ou théâtre chanté, les comédiens italiens installés au Palais-Royal devaient se borner à des pièces parlées accompagnées de passages musicaux. Tantôt, comme on l'a vu pour l'opera-buffa napolitain, la musique était empruntée aux airs populaires ou aux vaudevilles, tantôt elle utilisait ou parodiait en les travestissant de façon bouffonne les airs d'opéras, tels que l'Armide, l'Isis ou l'Alceste, de Lulli, — et c'est là l'origine du nom d'« opéra-comique », — ou enfin faisait appel à quelque musicien pour composer des fragments intercalés dans la pièce. Il était d'ailleurs bien dans la tradition française d'en agir ainsi.

Dès le XIIIe s., les « jeux » théâtraux, tels que celui de Robin et Marion du trouvère Adam de la Hale (1283), offraient ainsi le spectacle d'une pièce pastorale coupée d'airs ou de refrains populaires, sans que cela constituât, comme on l'a répété souvent, « le premier opéra-comique ». A travers tout le moyen âge et l'époque de la Renaissance, les exemples cités plus haut restent fidèles à des habitudes analogues, sans pour cela créer un genre. Mais ce fut la Comédie-Italienne implantée à Paris, à partir de 1660, qui contribua à une telle création et forgea le nom d'Opéra-Comique, et qui, passant par diverses alternatives, partagea bientôt le soin de constituer un répertoire avec les théâtres de la Foire, dont l'un d'eux, à partir de 1714, prit le nom du genre nouveau, jusqu'à ce que, en 1793, la Comédie Italienne ayant disparu, l'un et l'autre furent fondus en un théâtre unique : l'« Opéra-comique national ».

Durant ce laps de temps, le genre se précisait, en éliminant peu à peu la comédie mêlée de vaudevilles, en se constituant un orchestre, en abandonnant les emprunts d'airs pris à des opéras en vogue, de manière à n'avoir bientôt, mêlés à son parlé, que de la musique originale. Des musiciens spécialistes, des amateurs, des grands maîtres de l'opéra, donnèrent tout ensemble leurs soins au répertoire de l'opéra-comique. A côté des noms assez obscurs des compositeurs Raisin, Blaise (l'aîné), Gilliers, Saint-Sévin dit « l'Abbé », Sody, non dénués de talent, qui, de 1680 environ à 1750, alimentent les opéras-comiques de musique nouvelle ou empruntée, on relève à partir de 1718, le nom de Mouret, qui, débutant dans Le Port-à-l'Anglais, conquit rapidement un succès de bon aloi, qu'il maintint longtemps, de Rameau lui-même, qui, en 1723, composait les passages nouveaux de l'Endriague de Pinon. En 1746, les œuvres de Pergolèse s'introduisent dans le répertoire de l'opéra-comique, en « adaptations » françaises, dues en partie à Favart, et insufflent, avec d'autres œuvres du même genre, l'esprit des nouveaux opéras-bouffes ou « intermèdes » italiens. C'est encore le titre que J.-J. Rousseau donne à son Devin du village (1752), représenté tout d'abord à Fontainebleau, puis à l'opéra de Paris.

A dater de ce moment, la musique empruntée disparaît de l'opéra-comique proprement dit, qui se partage encore quelque temps avec la « comédie à ariettes », dans laquelle s'illustrent quelques musiciens connus dans les deux genres : nous rencontrons ainsi, de 1753 à 1762, les noms de Dauvergne, LaBonde, Gaviniès,La Ruette, Blaise, qui se spécialise lors de la réussite d'Annette et Lubin de Favart, de Gluck enfin. L'opéra-comique français, pendant ce temps, a conquis l'Europe : dès 1751, pour les théâtres impériaux de Vienne et de Schœnbrünn, où ont lieu des représentations en français, Gluck est chargé de mettre ou de remettre en musique des livrets parisiens. Les Amours champêtres, de Favart, Le Chinois poli en France, d'Anseaume, Le Diable à quatre, de Sedaine, etc., furent ainsi l'objet d'exquises partitions du maître qui devait ensuite redonner un nouveau lustre à la « tragédie lyrique ». Il est piquant de constater, que c'est pour la vieille pièce du théâtre de la Foire, Le Monde renversé, changée de titre et devenue L'Isle de Merlin (1758), que Gluck écrit sous sa forme première l'ouverture célèbre qui deviendra celle d'Iphigénie.

Quatre noms vont alors marquer chez nous l'apogée du genre : Duni, à partir de 1757, dont Les Sabots, de Sedaine (1768), marquent le principal succès; Philidor, principalement connu par Le Maréchal Ferrant (1761), Sancho-Pança (1762), Tom Jones (1765), œuvres où l'excellence du chant et la justesse de la déclamation n'ont d'égal que le piquant de l'orchestre, très souvent descriptif; Monsigny, qui, après Les Aveux indiscrets (1759), repris avec succès en 1913, compose la même année que Gluck Le Cadi dupé (1761), et On ne s'avise jamais de tout; puis Rose et Colas (1764) et enfin Le Déserteur (1769), bien des fois remis à la scène, et où la critique moderne voit « l'ébauche du drame lyrique « (Cucuel) tel qu'il est représenté au XIXe s. par Le Freischûtz et Carmen; Grétry, qui, de 1768 à 1797, approvisionne l'opéra-comique : de ses productions, il faut mettre à part le fameux Richard Cœur-de-Lion (1784), repris encore assez fréquemment, et, pour les rapprochements curieux à en tirer, La Rosière de Salency (1793) où l'on trouve avec étonnement nombre de thèmes employés par Beethoven, ce qui s'explique, ce maître en sa jeunesse ayant été l'accompagnateur du théâtre de Bonn au moment où tout ce répertoire de l'opéra-comique français y était en usage, nouveau témoignage de la diffusion du genre à l'étranger. De l'ancien opéra-comique on pourra encore citer Nina ou la folle par amour, de Dalayrac (1786). Quant à la plus grande partie du répertoire opéra-cornique pendant le siècle qui suivit, il n'innova rien, et périclita plutôt, tombant petit à petit au rang de l'opérette.

A la fin du XIXe s et au début du XXe, l'opéra-comique cherche sa formule. « Ce que l'ancien opera-buffa italien a de tout spécial, et, en un sens, d'inégalé, c'est le débordement de la verve joyeuse, la faconde intarissable, une active belle humeur toujours aise de chanter et de rire... L'opéra-comique français, en ses meilleurs exemplaires, est d'une coulée beaucoup moins pleine, d'une inspiration moins libre, moins spontanée, moins brillante ; plus sobre, préoccupé davantage de justesse et de finesse, moins grisé de joie et d'éclat, il dose adroitement l'émotion, la gaîté, l'esprit; il y réussit quelquefois d'une manière exquise, réalisant à merveille ce qu'on appelle au théâtre le demi-caractère.... Mais des ouvrages tels que les Nozze et Les Maîtres chanteurs marquent, en leurs genres respectifs, deux cimes... Ces deux œuvres témoignent d'une égale perfection, mais le but a changé. Dans Les Maîtres chanteurs, la musique a résolu des problèmes nouveaux ; elle a montré tout d'abord qu'il n'existe pas plus de « genres » pour elle que pour la poésie libérée des vieux formalismes (Ernst). Sancho, « comédie musicale » en 4 actes, de Jacques-Dalcroze (1898), et Le bonhomme Jadis, du même (1906), sont au nombre des meilleurs essais d'opéra-comique de cette époque.

Opérette; Opéra-bouffe.

L'opera-buffa et l'opéra-comique ont parfois été nommés « opérette » au XVIIIe s. Ce dernier a pris aussi à l'occasion le nom d'opéra-bouffon. C'est en ce dernier sens que le terme opéra-bouffe a prévalu depuis 1855, avec Jacques Offenbach et Hervé. L'opérette moderne est ce dérivé de l'ancien opéra-comique où la musique retourne à la simplicité de la musique empruntée : il a comme division l' « opérette-bouffe » qui représente le dernier degré musical du genre, guère au-dessus du vaudeville. On peut citer de Hervé, L'Œil crevé; d'Offenbach, comme opéra-bouffe, La Belle Hélène (1864), Orphée aux Enfers (1855); comme opérettes, La Périchole (1868), La Chanson de Fortunio (1861); de Lecoq, La fille de Madame Angot (1872); le Petit Duc (1878); de Cl. Terrasse, Les Travaux d'Hercule (1901).


Voir aussi: Air, Ballet, Comédie, Entremet, Intermède, Jeux, Drame, Miracle, Mystère, Oratorio

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