Dictionnaire de Métronimo
Dictionnaire pratique et historique de la musique
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Enharmonie
Nom féminin.
Le troisième des genres de la musique antique, où certains demi-tons se divisent en deux quarts de ton, usage longtemps conservé dans le chant grégorien, d'où il disparut lors des premiers développements de l'organum, au XIe s. Sous l'influence des humanistes, on fit, à la fin du XVIe s. et dans le commencement du XVIIe, des essais de construction d'instruments enharmoniques destinés, croyait-on, à rénover les traditions de l'antiquité grecque et à faire passer dans le domaine de la pratique artistique ce qui ressortissait seulement aux spéculations théoriques. L'Arcicembalo de Nicola Vicentino (1555), la Sambuca lincea de Fabio Colonna, qui avait 500 cordes, le Clavicembalo de l'organiste Luython, acquis en 1613 par l'archiduc Charles d'Autriche, le Clavecin de l'organiste français Titelouze introduisaient un demi-ton enharmonique entre chaque demi-ton chromatique et partageaient ainsi l'octave en quarts de ton. L'instrument de Luython comptait 77 touches pour 4 octaves, réparties entre trois claviers. Toutes ces tentatives et celles que l'on a vu renouveler entre autres par Bosanquet dans un orgue de 48 sons à l'octave (1848), puis, dans un harmonium de 53 sons à l'octave (1851), par Thompson (1850, 40 sons), par E. Sachs (1911, 19 sons) n'ont pas franchi la porte des laboratoires et sont restées sans effet sur le développement de l'art.

Sauf en des cas exceptionnels, dans le chant solo ou le jeu de quelques violonistes doués d'une grande délicatesse d'oreille, la production et la perception du demi-ton enharmonique échappent à la sensibilité de la plupart des musiciens. Il n'en est pas de même quant à la lecture et au raisonnement. De même que, dans la langue française, les mêmes sons changent de signification dès qu'ils sont représentés par des combinaisons différentes de signes graphiques, de même, dans l'orthographe musicale, une même sonorité notée par un ut dièse ou par un bémol correspond à des tonalités distinctes et devient d'une double ressource dans le discours harmonique. C'est dans l'aide qu'elle prête à la modulation que réside aujourd'hui toute la force et la nécessité de l'enharmonie. Rameau attachait beaucoup de prix à l'usage qu'il en avait fait dans l'une de ses Nouvelles pièces de Clavecin (1731) et qu'il s'attendait bien à voir « n'être pas d'abord du goût de tout le monde »; il s'agissait du passage de l'ut dièse au bémol, confondus en une même touche et un même son sur le clavier, mais dont la distinction résultait de la modulation produite par leur succession :


Les effets du tempérament sont portés jusqu'à leurs dernières conséquences, relativement à l'homonymie sonore qui résulte de l'enharmonie, dans des passages tels que celui de La Légende de la ville invisible de Kitej, de Rimski-Korsakov (1905), où le chœur à trois voix est note dans le ton de si majeur, tandis que les parties d'instruments à cordes et toutes celles des instruments à vent écrites en notes réelles, flûtes, hautbois, bassons, trombones, sont notées dans le ton d'ut bémol. Le sol dièse, le fa dièse des voix sonnent à l'unisson du la bémol, du sol bémol de l'orchestre. Dukas, dans Ariane et Barbe-Bleue, acte I, avertit la cantatrice de la modulation amenée par l'identité de son la dièse avec le si bémol de l'accompagnement au moyen d'une petite note figurée entre parenthèses :

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