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Accueil de la bibliothèque > Dictionnaire pratique et historique de la musique par Michel Brennet (1926)

Dictionnaire pratique et historique de la musique
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VA VE VI VO VU
Variation
Nom féminin.
Modification que l'on fait subir à un thème, à une phrase musicale, pour les présenter sous un aspect différent. L'origine de la variation se trouve dans les compositions du moyen âge, où, dès l'époque grégorienne, les mélodies liturgiques, mêmes les jubili des versets vocalises, se présentent sous des formes différentes, suivant la phrase, le mot qu'elles revêtent, la fête que l'on célèbre, etc. D'autres musicologues en ont cité dans les pièces polyphoniques du premier âge; en tout cas, les messes de Du Fay, au XVe s., offrent le premier emploi d'une forme « cyclique » qui est un des aspects divers de la variation d'un motif, emprunté à un thème préexistant. (Voyez Messe.)

Au XVIe s., la forme du thème varié, en variations successives formant autant de strophes, est cultivée par les maîtres polyphonistes dans la composition du choral (voyez Choral varié), Claude le Jeune, etc. Les instrumentistes s'emparent de ce principe et l'approprient à la mise en valeur de la virtuosité. La variation instrumentale existait donc au XVIe s. W. Byrd écrivit en 1591, pour la Virginale, des suites de variations sur des airs alors répandus en Angleterre. Avant lui, l'organiste espagnol Antonio de Cabezon, maître de chapelle de Charles-Quint, mort en 1566, avait écrit sous le titre de Diferencias plusieurs suites de variations sur des airs que leur titre désignait, et qui furent publiées comme œuvres posthumes en 1578. Avant Cabezon, on trouve des variations dans les livres de luth espagnols, notamment dans celui de Valderrabano, 1547. Une œuvre de l'Allemand Paul Peurl (1611) offre le plus ancien ou l'un des plus anciens exemples de la suite instrumentale construite sur un seul thème, varié de différentes manières. (Voyez au mot Suite.)

Chez Frescobaldi, l'art de la variation thématique est déjà très développé. On le voit, dans la Canzone n° 3 de son second livre de Toccate (1637), exposer un sujet à 4 /4, et après 14 mesures le produire de nouveau à 3/4, puis reprendre la coupe à 4/4 avec un contre-sujet en broderie rapide, ensuite passer à 6/4 pour une variation différente du thème, et terminer par une péroraison brillante. Ailleurs, dans un ricercar de ses Fiori musicali (1635), Frescobaldi se plaît à faire reparaître un thème dans plusieurs tons successivement. Mais dans ses Partite (dès 1614) il écrit déjà de réelles variations, et la partita sur la Romanesca, entre autres, offre quatorze brillantes variations sur le thème de cet air de danse. Une Courante de l'organiste belge Peter Cornet (1625) se présente avec variations, dans un manuscrit publié par Guilmant.

Dans la seconde moitié du XVIIe s. existent à la fois deux styles de variations : les doubles, ou diminutions, qui, comme leur nom l'indique, brodent le thème mot à mot en l'enveloppant de traits et de notes de passage où les valeurs diminuées se précipitent de strophe en strophe. L'exemple le plus connu serait l'air en mi majeur du 1er livre de pièces de clavecin de Haendel (éd. 1720) surnommé The harmonious blacksmith. Les airs avec seconds couplets en diminution, de Michel Lambert, publiés entre 1661 et 1689, représentent le même genre de variation dans la musique vocale française. Cette forme de variation a été exploitée à la fin du XVIIIe s. par une bande d'auteurs sans talent, Gelinek et autres. Elle jouissait alors de la faveur des amateurs, qui y trouvaient des succès faciles. (Sur la variation de la reprise dans l'air avec da capo, voir au mot Air.) Les chanteurs italiens, aux XVIIe et XVIIIe s., devenaient, par leurs procédés de variations, les suppléants du compositeur. On jugeait de leur talent d'après la fécondité de leur imagination dans le procédé de la variation. « Parmi les Anciens, dit Tosi en 1723, les meilleurs artistes s'engageaient à faire des changements, tous les soirs, non seulement dans tous les airs pathétiques, mais encore dans quelques-uns des allegros des opéras qu'ils chantaient. Si les chanteurs ne connaissaient pas l'art de varier les airs, on ne pourrait jamais apprécier l'étendue de leur intelligence; c'est par la qualité des variations qu'entre deux chanteurs de premier ordre on reconnaît facilement quel est le meilleur. » (Voyez Ornement.) A. Poglietti a dédié en 1663 à l'empereur Léopold 1er une suite de 23 variations sur un air allemand « sur l'âge de Sa Majesté », qui atteignit 23 ans en cette année. Le second livre des Pièces de viole de Marin Marais (avant 1686) contient, sous le n° 20, des couplets de Folies en trente-deux variations et plusieurs allemandes avec doubles. Fr. Fistocchi, de Mantoue, avait composé, dès 1667, une suite de quarante variations sur un thème, extrêmement simple, de son invention; ce sont des diminutions sans grand intérêt. Plus tard, on trouve une chacone avec trente-huit variations dans les Componimenti pour le clavecin, de Gottlieb Muffat, publiés entre 1735 et 1739.

Les variations des grands organistes du XVIIe et du XVIIIe s. dépassent souvent de beaucoup la portée des diminutions. Un véritable travail thématique s'y révèle et dévoile toute la puissance créatrice d'un maître. Exemples : Passacaille de Buxtehude pour grand orgue; Passacaille, de J. S. Bach ; Chacone pour violon seul de J. S. Bach, dans sa 4e Sonate (ou mieux Partita) ; les Chorals variés de J.-S. Bach, pour l'orgue, ou pour les voix et l'orchestre. L'Air avec 30 variations du même est appelé souvent Goldberg-Variations, à cause de son élève Joh. G. Goldberg, pour lequel l'œuvre fut écrite. C'est une des œuvres les plus remarquables de Bach et de toute la musique polyphonique instrumentale. Les maîtres de la 2e moitié du XVIIIe s. oublient les exemples des grands contrepointistes et font de la variation instrumentale un genre stéréotypé et adapté avant tout aux facultés d'exécution et de compréhension des amateurs. Au lieu de chercher dans le thème des éléments de diversité, les clavecinistes et autres ne font plus qu'envelopper ce thème de formules ornementales diverses. On revient au système des doubles. C'est ainsi que Haendel, Haydn, Mozart, entendent la variation et que Pleyel, Eckart, Gelinek et autres la réduisent à des formules banales.

Sur la fin du XVIIIe s., rien n'est plus à la mode que les airs variés. Comme variations intéressantes, Wyzewa cite celles de Michel Haydn sur un thème de son ballet Die hochzeit auf der Alm (1770), et celles de Jos. Haydn sur une Arietta en la (1771), 18 variations, tout à fait différentes, par la liberté avec laquelle est traité le thème, de celles que le même Jos. Haydn écrivit ensuite pour tous les instruments. A l'époque moderne, le grand modèle inimitable est constitué par les Trente-trois variations de Beethoven, pour le piano, sur un thème de Diabelli (op. 120, 1823) dont la richesse mélodique, harmonique et rythmique, laisse l'auditeur « confondu ». Parmi les exemples de la musique du début du XXe s., le 1er morceau de la Sonate pour piano, op. 63, de d'Indy (1907), est construit en variations : introduction, thema, variations 1, 2, 3, 4, et thema mutatum, c'est-à-dire dans un autre ton. Les variations sont traitées à la grande manière de la refonte et du développement de tous les éléments. Le 3e morceau de cette Sonate, qui est sur le modèle « cyclique », reprend et varie de nouveau le thème et le fait reparaître en force avant de conclure par un retour aux premiers dessins de l'ouvrage. Il est d'usage presque immuable, et conforme à la logique, d'exposer le thème au début d'un morceau avec variations, et de l'enrichir graduellement. Quelques exemples d'un plan contraire sont remarquables. On doit citer, pour l'époque classique, les variations sur le choral Christ lag in Todesbanden dans la Cantate (pour Pâques) de J.-S. Bach, où le thème nu sert de conclusion. Pour l'époque contemporaine, le poème symphonique Istar, de V. d'Indy où le plan, dicté par le texte littéraire, amène à la fin le thème nu peu à peu dépouillé, dans les variations précédentes, de son riche vêtement musical.

Les traités modernes de composition désignent sous le nom de « variation amplificatrice » le travail de « développement » que subissent, par exemple, les thèmes d'une sonate, ce que d'autres nomment élaboration, terme inspiré de l'anglais work out.


Voir aussi: Air, Choral, Messe, Ornement, Suite

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